La commune lynchée par les écrivains

Publié le 1 Octobre 2010

Paul Lidsky, Les écrivains contre la commune. Réédition  La découverte/Poche 2010. 9 euros.

   C’était l’été dernier au bar du village de Saint Amant Roche Savine. Deux soldats de l’Empire déclamaient les vacheries de grands écrivains contre la Commune Ils jouaient une adaptation de l’essai passionnant de Paul Lidsky. La troupe de l’Epée de Bois dans une mise en scène d’Antonio Diaz Florian récitait remarquablement ces citations anti communardes. 

   Les écrivains, tels que Catulle Mendes, Edmond de Goncourt, Georges Sand ou Zola utiliseront tout les artifices contre la canaille, les définissant comme des brigands,  utilisant les métaphores animalières, le vocabulaire de la maladie, de l’envie, « Les uns et les autres ont obéi aux impulsions de leur perversité ; mais la question politique était le dernier de leur souci » glapît maxime du camp. Ce dernier s’en prend particulièrement aux femmes. Si elles se rebellent, c’est que l’orgie n’est pas loin ou qu’elles sont possédées ou malades, « presque toutes les malheureuses qui combattirent pour la commune étaient ce que l’aliénisme appellent des « malades. » Arséne Houssaye, atroce, note pour ces rampants de communards : « Toutes les bêtes furieuses ont leurs tanières,  tous les émeutiers ont leurs barricades » tandis que Théophile Gautier les fracasse et les décrits haletants comme des chiens de chasse. La semaine sanglante est attendue par les écrivains pour régler leur compte à ce bouleversement odieux de l’ordre et des sens. Paul Lidsky étudie aussi les types de communard. On trouvera dans la  littérature alors,  le mauvais ouvrier, le déclassé, qui essaie de prendre sa revanche sociale , et le voyou qui n’est autre qu’un gamin de Paris , pas si bête pour travailler pour les bourgeois. Par contre, le soldat versaillais est tout dans l’équilibre, « une grandeur d’âme dans la servitude militaire » d’après A. Houssaye.

   La surprise touchera le lecteur à l’étude de Zola dans ses articles dans le Sémaphore de Marseille et des  reprises des thèmes anti communards dans Germinal comme dans La Débâcle. Pour lui la Commune n’est pas un mouvement politique mais une maladie passagère, une fièvre. Les Communards ne différent en rien des criminels. Il considère Delecluze, Miot ou Rigault comme  des fous dangereux. Dans la Cloche, journal hostile à la Commune, il écrit en bon versaillais… « … vous verrez Paris chasser l’émeute et redevenir la grande ville du bon sens et du patriotisme. »

   Des néologismes apparaissent ; « Pétroleuse, mot hideux que n’avait pas prévu le dictionnaire », déclame Théophile Gautier. Daudet renchérit : « Un mouvement se fit au banc hideux des pétroleuses. »  Communards rime dans la même abjection avec « Les Amnistiards que dénonce Barbey d’Aurevilly.

   Cette réédition qui sent son professeur de français, à la rigueur d’une copie soulignée en rouge, sans jamais ennuyer. Les postfaces donnent un retour sur la permanence de la Commune dans la culture, avec une comparaison utile sur Mai 68. Des horreurs sont clamées avec tant de beauté stylistique que l’on rougit de plaisir. 

Rédigé par Goby

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